Tuesday, May 22, 2012

"Al-jazeera n’en parle jamais!"

 Al Jazeera: "Shadi Mawlai an anti-Assad 'activist'
"Vétéran du djihad, cheikh Saadedine Ghia, 50 ans, fait régulièrement l’aller-retour entre sa résidence tripolitaine du Liban-nord et le champ de bataille syrien, à quelques kilomètres de là. « Avant l’aube, je traverse la rivière qui marque la frontière, déguisé en paysan ; et je reviens à la nuit tombée, après avoir caché mon arme en territoire syrien », raconte cet islamiste sunnite, qui a combattu aux côtés d’al-qaida en Afghanistan et en Irak. Comme lui, une centaine de salafistes libanais et 300 à 400 autres volontaires non syriens, selon plusieurs sources concordantes, se sont infiltrés en Syrie pour combattre les partisans de Bachar el-assad, qui répriment un soulèvement populaire depuis plus d’un an. Ils constituent une part encore minime des insurgés, mais en constante augmentation ces derniers mois. Un sujet tabou pour l’opposition, qui nie tout lien avec ces supplétifs encombrants pour l’image de la révolution. « Al-jazeera ( la chaîne qatarienne, proche des anti-assad, NDLR) n’en parle jamais, regrette Youssef, un activiste de Homs réfugié à Beyrouth. C’est inquiétant, je n’ai pas envie qu’une dictature islamiste succède à une dictature laïque. » ....
Au siège de L’ONU à New York, l’ambassadeur syrien, Bachar Jaafari, vient de remettre au Conseil de sécurité une cassette vidéo montrant les témoignages de 26 islamistes étrangers, actuellement sous les verrous dans son pays. D’autres sont morts dans les affrontements, notamment en février pendant le siège de Homs, comme ces cinq Tunisiens, originaires de Ben Guerdane, une localité frontalière de la Libye. Avant de pénétrer en Syrie, leurs frères d’armes avaient récupéré leur passeport et noté un numéro de téléphone pour prévenir les familles, en cas de décès. Parmi d’autres djihadistes morts au combat figurent un Français, un Belge et un Britannique. En pleine affaire Merah, en mars, cinq Français sont arrivés à l’aéroport de Beyrouth en vue de gagner la Syrie. Mais la Sûreté générale, proche du Hezbollah et de Damas, les avait repérés. Elle les laissa prendre la route vers la frontière nord, où les cinq candidats au djihad furent appréhendés, avant d’être remis aux services de renseignements français, qui les renvoyèrent à Paris.
Encouragés par leurs parrains qatariens, les anciens combattants libyens de la guerre contre Kadhafi constituent l’un des principaux contingents aux côtés des Libanais, des Saoudiens, d’irakiens, de Koweïtiens, de quelques Algériens et même de trois Pakistanais, repliés dans le village de Jergénas, près de la frontière turque. Ils ne se mélangent pas avec les dissidents de l’armée syrienne libre (ASL), sauf parfois localement, quand ceux-ci sont eux-mêmes salafistes. En début d’année, de nombreux Irakiens se sont infiltrés avec d’importantes quantités d’armes (des lance-roquettes notamment). Mais les tribus des régions frontalières les ont rejetés. Aujourd’hui, les plus nombreux combattent dans la province montagneuse d’idleb, non loin de la Turquie, où ils bénéficient de l’hospitalité d’une population laissée pour compte par le pouvoir central. « Les Libyens nous servent de conseillers militaires », confie via Skype depuis la frontière un salafiste syrien, qui va et vient entre la Turquie et son pays.
Durant le siège de Homs, des moujdahidins étrangers avaient dû fuir la ville pour se replier à al-qoussayr, près de la frontière libanaise. Mais depuis la liquidation de Boustani, les salafistes syriens d’alQoussayr n’acceptent plus que des combattants libanais à leurs côtés ou des Palestiniens des camps de réfugiés du Liban. L’itinéraire de ce dirigeant du Fatah al-islam illustre le pouvoir d’attraction que représente aujourd’hui la Syrie pour la mouvance radicale. Emprisonné près de Beyrouth pour avoir attaqué l’armée libanaise, Boustani s’est évadé l’été dernier avant de rejoindre la région de Homs, mais son comportement a rapidement heurté la population. « Il prit en otages deux chrétiens, se souvient cheikh Ghia. Il réclama une rançon que leurs familles ne pouvaient pas payer. Le curé et L’ASL s’en mêlèrent. Le ton monta, et Boustani tua deux dissidents. » Il fut sommairement exécuté par un groupe de rebelles. Loin d’être isolé, cet incident illustre les tensions croissantes entre les djihadistes et la composante syrienne non islamiste de la révolte. « À Deraa, au sud, poursuit le dirigeant de l’opposition à Paris, Haytham Manna, les djihadistes ont été chassés par la population, après un attentat à la voiture piégée commis par un Koweïtien, qui entraîna des représailles de la part du régime dans lesquelles trois de nos jeunes furent tués. »
Ces électrons libres ont un tout autre agenda que les dissidents de L’ASL. « Nos divergences sont idéologiques, insiste cheikh Ghia. Les djihadistes considèrent les membres de L’ASL comme des mécréants, qui s’opposent au projet d’édifier un califat. Entre L’ASL et nous, les choses ne vont pas s’arranger et, au final, ce sera eux ou nous. Mais nous devons être patients : la Syrie est un laboratoire. Avec le chaos qui s’installe, le pouvoir et L’ASL vont s’affaiblir chacun de leur côté. Et à la fin, les gens s’aligneront sur les djihadistes. »
Un scénario souvent jugé peu réaliste. ..... « En Irak, après 2003, se souvient cheikh Ghia, la branche locale d’al-qaida nous prenait en charge. Mais en Syrie, c’est la pagaille entre les combattants. Les djihadistes veulent en profiter pour diriger la bataille. C’est une erreur », poursuit le moudjahidin, qui jure ne plus vouloir y retourner. Avec eux, pas question de respecter le cessez-le-feu prévu par le plan Annan. Au contraire, leurs attaques doivent montrer à une population, exaspérée par l’impuissance de la communauté internationale, qu’ils sont les plus féroces ennemis du régime. Frapper par des attentats à la voiture piégée, c’est renforcer leur recrutement hors des frontières et s’assurer de substantielles rentrées d’argent auprès de leurs bailleurs de fonds.
Les filières de financement du djihad syrien existent déjà. Avec ses 40 mosquées salafistes, Tripoli est la plaque tournante, grâce à des associations caritatives du Golfe dont la principale est Charity Eid, une ONG chapeautée par son président saoudien, Safr alHawali, le vice-président koweïtien, Walid Tabatabaï, et Abdel Rahman Nouaimi, le secrétaire général qatarien. L’argent ne manque pas, mais il y a visiblement de la perte en ligne. « Lorsque je suis allé en Afghanistan en 1997, rappelle cheikh Ghia, le premier versement payé par les Saoudiens était de 5 000 dollars, après je touchais 800 dollars par mois. En Syrie, si tu fais une opération suicide, tu vas être bien payé, sinon le djihadiste ne touche qu’environ 200 dollars par mois. C’est pourquoi certains pratiquent des razzias dans les maisons d’alaouites ( pro-assad, NDLR) qu’ils attaquent. »
Parfois, des émissaires libanais venus du Golfe remettent directement l’argent à des salafistes syriens, dépêchés jusqu’à Tripoli ; sinon des « relais » locaux se chargent de la logistique. Ainsi de cheikh Bilal Daqmak, ancien chauffeur de taxi aujourd’hui propriétaire d’immeubles et, à ses heures, négociateur pour libérer des otages iraniens détenus par des salafistes syriens. « Nous voulons de l’argent et la libération de certains de nos amis emprisonnés à Damas », affirme sans détour cheikh Daqmak.
Inquiets de ces dérives, certains pays alliés de l’opposition commencent à mesurer le risque djihadiste. Avant d’être un combattant anti-assad, Abdel Ghani Jawhar était un dangereux spécialiste en explosifs, qui cherchait à s’en prendre aux Casques bleus français déployés au Liban-sud, comme l’indique une note de la DGSE du 22 avril 2010.
Depuis plusieurs mois, déjà, des responsables américains mettent en garde contre l’apparition d’un « axe djihadiste » reliant Tripoli à la région d’al-anbar en Irak, en passant par la Syrie. Un axe favorisé par le régime de Damas, qui libéra de nombreux islamistes au début du soulèvement. « La révolution prend un vilain tour, souligne un diplomate occidental à Damas. Nous ne pouvons plus prétendre qu’on ne sait pas. Il y eut d’abord la déclaration de Zawahiri ( le chef d’al-qaida, NDLR) appelant les djihadistes à affluer en Syrie. Puis celle de James Clapper, le patron du renseignement américain, imputant à la mouvance al-qaida la plupart des attentats commis depuis décembre. » Il y a maintenant les convictions du secrétaire général de L’ONU, Ban Ki-moon ..."

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