Langage franc et direct. Plan Annan, soutien au Conseil national syrien, mise à l’écart rapide de Bachar el-Assad : HdN, un diplomate français qui suit de près l’évolution de la crise syrienne, nous livre sa lecture des événements. Une lecture décapante, qui ne correspond pas tout à fait à la version officielle du Quai d’Orsay, sa « maison-mère ».
« La diplomatie française a sous estimé le régime syrien parce qu’on a bien voulu le sous estimer. On ne devait pas être surpris par sa capacité de résistance. Eric Chevalier, notre ambassadeur, après avoir été recadré juste au début de la révolte, a été très bon après. Il a clairement averti Paris que la crise allait être longue. Nous connaissons très bien ce régime, depuis trente ans que nous avons été successivement amis, puis ennemis, avant d’être de nouveau amis au cours des dernières années. Notre brusque changement de position, après le début de la révolte l’an dernier, est à la hauteur du désamour que la direction de l’Etat français a conçu quand elle a vu que Bachar el-Assad ne nous avait pas écouté, et qu’il ne tiendrait pas les promesses que nous avions cru naïvement qu’il tiendrait »
"Certes, les dirigeants du CNS excellent en Occident, parce qu’ils parlent notre langage, et nous disent ce qu’on a envie d’entendre."
« Le Conseil national syrien (CNS) est en perte de vitesse sur le terrain. Nous avons soutenu un cheval perdant. Ce n’est pas faute pourtant d’avoir lancé des mises en garde. La perception des Syriens de l’intérieur est très négative vis-à-vis du CNS. Ils sont nombreux à estimer que ses dirigeants ne les représentent plus, qu’ils ne font que se montrer devant les caméras des télévisions dans des hôtels cinq étoiles, ils ne nous apportent plus rien, disent-ils. Des habitants de Homs leur reprochent même de leur avoir volé la résistance à Baba Amro. Par leurs connections avec Avaaz (l’ONG basée à Beyrouth, ndlr), les gens du CNS ont donné l’impression que c’est eux qui avaient fait sortir les habitants de Baba Amro, alors que ce sont les membres des comités de coordination sur place qui ont fait le boulot. Le CNS reste dans une opposition systématique. Chaque fois, qu’il se passe quelque chose, il réagit négativement. Le plan Annan ? Non, ce n’est pas ce qu’il faut faire. Quand les observateurs arabes sont arrivés en décembre? Non, ce n’est pas bien. Les attentats ? Tout de suite, sans la moindre preuve, ils ont accusé le régime. Ils ont, pourtant, été démentis par les Américains, et par des gens pointus comme James Claper (le patron du renseignement, ndlr) qui n’est quand même pas n’importe qui. Certes, les dirigeants du CNS excellent en Occident, parce qu’ils parlent notre langage, et nous disent ce qu’on a envie d’entendre. Mais ils se sont peu à peu déconnectés de la réalité du terrain. Nous devrions en prendre conscience. »
La majorité silencieuse. « On la sous estime. La contestation n’a pas encore entraîné la révolte de toute la population. Il y a encore une majorité silencieuse qui nous dit la chose suivante : nous n’aimons pas le régime, mais rien de ce que ces gens (de l’opposition, ndlr) font nous annoncent quelque chose qui nous ferait sortir de notre réserve ou de nos hésitations pour aller les soutenir ».
Le plan Annan de sortie de crise. « Jusqu’à maintenant, tactiquement, Kofi Annan a bien joué. Il a mis la barre relativement haut, en disant : voilà, les paramètres d’une solution (les six points de son plan, ndlr). La première réponse du régime a été : on a besoin de plus de temps, mais Annan n’est pas remonté au créneau, il est resté dans un premier temps en retrait. Il se garde le contact avec Bachar, et il laisse faire le travail de base par ses hommes sur le terrain. Ce que n’avait pas fait avant lui le Premier ministre du Qatar, Hamad Ben Jassem, qui avait traité directement et brutalement avec Bachar. La France, après avoir hésité, le soutient maintenant. On est encore en faveur de la chute du régime. On n’a pas compris que ce n’était plus d’actualité. D’un autre côté, que pouvons-nous faire d’autre ? Nous avons adopté une position tellement radicale dès le début que nous ne pouvons plus en changer. Nous nous sommes condamnés à camper sur la ligne jusqu’au-boutiste du CNS : c’est-à-dire pas de discussion avec Bachar ».
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