Via AngryArab, in Journal Du Dimanche;
C’est une véritable partie d’échecs que livrent l’homme d’affaires Ziad Takieddine et le juge Van Ruymbeke. Soupçonné d’avoir versé des rétrocommissions dans le cadre des contrats de ventes d’armes au Pakistan et à l’Arabie saoudite, Takieddine a été entendu à trois reprises, les 14 septembre, 5 et 12 octobre. Lors de la première audition, l’homme d’affaires commence par un monologue où il accuse Jacques Chirac et Dominique de Villepin d’avoir détourné les commissions du contrat Sawari II passé avec l’Arabie saoudite*. Van Ruymbeke ne pose aucune question. Il enregistre en silence. L’audition du 5 octobre est la plus dense. Une longue entrée en matière.
"Qui êtes-vous?", commence le magistrat. Takieddine raconte son enfance. "J’ai ainsi reçu une éducation et des valeurs." Il détaille sa gestion de la station de ski Isola 2000, sa rencontre avec François Léotard, futur ministre de la Défense, et celle qui n’est pas encore sa femme, puis son rôle dans les relations entre l’Arabie saoudite et la France : son rendez-vous avec Édouard Balladur, Premier ministre, et l’organisation de sa visite officielle à Riyad en janvier 1994, qui débouchera sur la signature "du contrat du siècle" des frégates Sawari II pour une vingtaine de milliards de francs. Deux sociétés, Rabor et Estar, doivent alors toucher 648 et 751 millions de francs, mais ces commissions seront bloquées par Jacques Chirac à peine élu en 1995.
"Étiez-vous concerné par ces contrats Estar et Rabor?" interroge Van Ruymbeke. "Non." "En ce cas, pourquoi étiez-vous concerné par l’arrêt des commissions?" demande le juge. "Chirac risquait de casser les relations entre les deux pays", accuse Takieddine, racontant alors l’intervention secrète, à sa demande, de Rafic Hariri pour renouer les fils. Takieddine assure avoir permis à Hariri, "ami de Chirac", de récupérer 1,380 milliard de dollars de factures impayées par les Saoudiens, en échange de quoi le Premier ministre libanais accepte de lui verser 75 millions de dollars puis 45 autres sur un compte "Verdun". Des fonds que Takieddine dit avoir "ventilés".
Une "structure" genevoise dotée de 85 millions de francs…
"En remplacement des sociétés Rabor et Estar, dont les contrats ont été détruits, il y a eu trois destinataires, accuse-t-il ensuite. Une partie a bénéficié à une société qui représente M. Chirac. Une autre partie a bénéficié à une société qui représente M. Villepin. La troisième société est celle de M. Djouhri qui chapeaute les trois sociétés." "De quels éléments d’information disposez-vous pour être aussi affirmatif?" questionne Van Ruymbeke. La réponse viendra lors de l’interrogatoire du 12 octobre.
"Disposez-vous de preuves?" commence le magistrat. "Oui", certifie Takieddine, mettant en cause un homme d’affaires "d’origine yéménite" et "un groupe à Genève géré par Wahid N." Le juge confirme que son enquête démontre que cette "structure" genevoise a bénéficié d’environ 85 millions de francs… dont "un solde de 35 millions de francs versés peu avant la mise en vigueur de la convention OCDE" interdisant les commissions. "Existe-t-il un lien entre [cette société] et Alexandre Djouhri?", questionne Renaud Van Ruymbeke. Takieddine répond par l’affirmative, accusant son grand rival, l’homme d’affaires Alexandre Djouhri, d’avoir perçu ces fonds*. Pour sa part, Takieddine nie avoir, lui, reversé des commissions occultes.
Van Ruymbeke se contentera-t-il de ces démentis? La partie d’échecs n’est pas finie. Le 19 octobre, Ziad Takieddine a admis avoir perçu 30 millions de francs de Mercor dans le cadre des commissions avec le Pakistan, ce qu’il n’a jamais reconnu jusque-là. Mais il continue de nier les rétrocommissions. Jusqu’à quand?
* Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Alexandre Djouhri ont déjà, via leurs avocats, nié en bloc ces accusations.
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