Wednesday, January 5, 2011

"Assad peut tirer profit des tensions irano-saoudiennes mais doit veiller à ne pas s'aliéner l'une ou l'autre partie.."

Thanks MAK.
"... L'élément le plus parlant est le dernier, à savoir la réorganisation des services de la sécurité et de la justice. Le fait est que tous les changements concernant l'armée et les principaux organes de sécurité - les postes de commandement de l'armée et du renseignement militaire ainsi que la direction de la sécurité générale, de la sécurité aéroportuaire, etc. - affecteraient principalement des proches du Hezbollah [parti chiite allié de l'Iran]. Et pour que la Syrie et l'Arabie saoudite retirent quelque chose au Hezbollah, il faudrait que l'Iran donne préalablement son approbation.
En public, les porte-parole libanais prosyriens donnent une lecture légèrement différente de la situation. Ils concèdent qu'un remaniement gouvernemental est dans l'air, mais ils n'admettent aucune divergence avec le Hezbollah. Ils laissent entendre que le contexte politique est favorable à la Syrie et au Hezbollah, et que le gouvernement, les services de sécurité et d'autres organismes publics doivent refléter cette tendance. Certains vont jusqu'à suggérer qu'une refonte radicale du système politique libanais est nécessaire pour conférer davantage de pouvoir à la communauté chiite. Mais de telles idées ne font pas un accord syro-saoudien. Quelles que soient les propositions acceptées par Damas et Riyad, elles devront obtenir, non seulement l'approbation de l'Iran, mais également celle des Etats-Unis.
Le président syrien, Bachar El-Assad, est engagé dans un délicat exercice d'équilibriste. Il peut tirer profit des tensions irano-saoudiennes mais doit veiller à ne pas s'aliéner l'une ou l'autre partie. Il souhaite compromettre la légitimité du tribunal spécial, car il ne veut pas que ce dernier affaiblisse le Hezbollah ou mette en cause les responsables syriens. Mais il ne peut pas laisser le Hezbollah humilier M. Hariri comme il l'a fait en mai 2008 [le Hezbollah avait pris par la force le contrôle de Beyrouth], sachant que cela nuirait à ses relations avec les Saoudiens et renforcerait la position de l'Iran en tant qu'acteur dominant de Beyrouth.
Il y aussi les Etats-Unis. Syriens et Saoudiens ne doivent pas seulement prendre en considération la manière dont l'Iran perçoit leurs pourparlers, mais aussi celle dont Washington va réagir. Le président El-Assad doit rétablir des liens avec Washington s'il veut avoir d'autres options que son alliance fructueuse, mais souvent humiliante et contraignante, avec l'Iran. Et il doit également se protéger contre les Israéliens, dans l'éventualité où ces derniers verraient le Hezbollah comme une menace stratégique, ce qui déclencherait au Liban une guerre dans laquelle la Syrie serait impliquée.
Si, pour défendre le Hezbollah, le président El-Assad s'en prend trop au tribunal, les Etats-Unis et Israël vont commencer à grincer des dents. Washington n'est pas prêt à renoncer à une institution qui pourrait prochainement accuser le Hezbollah. De son côté, Israël ne verra pas d'un bon œil des mesures libanaises qui, en protégeant le Hezbollah d'un procès, renforcerait implicitement son pouvoir militaire, et par suite celui de l'Iran.
Voilà le contexte terriblement complexe dans lequel se déroulent les pourparlers syro-saoudiens, et c'est pourquoi il ne faut pas trop s'attendre à une solution dans un avenir proche. Ces pourparlers mettent en présence deux pays qui ont une influence importante sur les affaires libanaises mais pas forcément le dernier mot. Quelles que soient les décisions auxquelles ils parviendront, il leur restera des obstacles à surmonter et la tâche ne sera pas facile...."

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