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"...C’est un mémorandum secret de trois pages qui dormait depuis quatorze ans dans un coffre, quelque part à Beyrouth. Ziad Takieddine, l’auteur de cette "note confidentielle" à Rafic Hariri, a décidé de la sortir de ses archives. Comme on déterre une hache de guerre. Accusé par Dominique de Villepin et Charles Millon d’avoir été "l’intermédiaire des balladuriens" dans deux contrats militaires, au Pakistan et en Arabie saoudite, Ziad Takieddine contre-attaque méthodiquement. Lundi, ses avocats déposeront plainte contre l’ancien Premier ministre et l’ex-ministre de la Défense de Jacques Chirac pour "dénonciation calomnieuse". Takieddine réclame aussi son audition par le juge Van Ruymbeke et entend s’expliquer sur les termes de Sawari II, le contrat de vente de frégates militaires à l’Arabie saoudite, le pendant du fameux contrat Agosta de vente de sous-marins au Pakistan. Signés en septembre et novembre 1994, alors qu’Edouard Balladur était Premier ministre et François Léotard son ministre de la Défense, ces deux contrats, de l’ordre de 5 milliards d’euros, auraient, à eux deux, généré environ 233 millions d’euros de "frais commerciaux exceptionnels", des commissions parmi lesquelles se cacheraient des rétrocommissions en France. Dominique de Villepin, devant le juge Van Ruymbeke, a réitéré ses soupçons de "rétrocommissions" et de "financements illicites" de partis proches d’Edouard Balladur et désigné Takieddine. Une histoire "officielle" jusque-là sans preuve, et qui cache, on va le voir, son lot de zones d’ombre. Parmi elles, une drôle d’intervention, inconnue jusqu’à présent, de Rafic Hariri, ancien Premier ministre du Liban, très proche de Jacques Chirac, dont la banque aurait débloqué, dans le plus grand secret, 300 millions de francs de l’époque… Une intervention qui pourrait relancer l’affaire..............
En coulisses, les choses vont se passer un peu différemment, comme le prouve cette note confidentielle de septembre 1996. A cette date, dans le plus grand secret, Ziad Takieddine prend la décision d’avertir Rafic Hariri. "Afin de vous exposer des faits très importants sur le comportement actuel de la France avec un pays ami, l’Arabie saoudite, qui risque de créer un problème majeur", écrit-il à celui qui dirige le Liban. Cette note est confiée à Rafic Hariri sous pli cacheté à bord du vol pour New York où il se rend à une réunion de l’ONU. En préambule, Takieddine revient sur la signature du contrat Sawari II, en 1994, et le "dégel" des relations de la France avec l’Arabie saoudite suite au "nettoyage de toutes les méthodes du passé". Après l’élection de Jacques Chirac, il raconte son déjeuner avec Charles Millon, en mars 1996, au cours duquel il est conforté dans sa mission. Puis la visite du Président français en Arabie saoudite, et la "surprise" des Saoudiens devant les "accusations portées". "Le prince Sultan était choqué par le comportement du président Chirac" et des "règlements de comptes en France"....... L’homme d’affaires raconte aussi au Premier ministre libanais la visite à son domicile "d’un certain Bauer, prétendant être un émissaire du président Chirac". "Le lendemain je reçois deux balles d’un revolver sur ma voiture, garée dans le parking de l’immeuble où j’habite. […] Je réalise alors que la fameuse 'méthode Chirac' s’était mise en marche, que j’étais devenu 'la tête à abattre'....... Takieddine parle aussi de relations "envenimées" et "exécrables" entre l’Arabie saoudite et la France, et d’absence de preuves de "bakchich"…
"Hariri a lu ma note dans l’avion au-dessus de l’Atlantique. Il m’a fait dire en arrivant qu’il me verrait dès mon retour", raconte, auJDD, Ziad Takieddine. "Nous nous sommes vus à Paris. Il m’a dit qu’il allait déjeuner le jour même avec Jacques Chirac, puis qu’il me verrait dans l’après-midi. Ce qu’il a fait. Les choses se sont alors arrangées." Concrètement Ziad Takieddine va recevoir l’engagement du Premier ministre libanais qu’il sera bien payé! .........C’est la Banque de la Méditerranée, de Rafic Hariri, qui va effectuer les règlements. En mars 1997, Ziad Takieddine reçoit quatre virements, pour un montant total de l’ordre de 300 millions de francs (45 millions d’euros). "J’ai aussitôt réglé qui je devais régler et tous les engagements ont été respectés", assure-t-il auJDD...
En clair, comme le démontrent les virements, Rafic Hariri, apparemment avec l’aval de Jacques Chirac, s’est chargé de verser des fonds à Beyrouth… alors qu’officiellement à Paris il était mis fin "au réseau K". "Cela pose quelques questions", souligne un observateur du dossier. "Qui a payé Hariri? Sur quelles bases? Que sont devenus les fonds versés à la Sofresa par les Saoudiens?" Difficile d’imaginer que le Premier ministre libanais ait sorti 300 millions de sa poche........... En 2002, sept ans après le blocage des commissions, une bombe tuait onze employés de la DCN. "Victimes probables de règlements de comptes franco-français", conclut Takieddine.
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