Tuesday, April 6, 2010

"Parlons ... Oublions le passe..."

'In the not-so-distant past...'
Liberation/ here
Mercredi, Walid Joumblatt a rencontré à Damas Bachar al-Assad, le président syrien, qu’il avait notamment qualifié de «tyran» et de «serpent» suite à l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005. Ces derniers mois, le leader druze, qui fut l’un des fers de lance du mouvement antisyrien puis un pilier de la coalition majoritaire, s’est rapproché, sans la rejoindre, de l’opposition libanaise, emmenée par le Hezbollah et soutenue par Damas. Cette visite en Syrie clôt plus de cinq ans de brouille.
Vous avez eu des mots très durs envers Bachar al-Assad. Comment vous a-t-il reçu ?

En entrant dans cet imposant palais présidentiel, il est vrai que j’étais un peu inquiet. Mais Bachar al-Assad a été très cordial, très amical. Nous avons discuté à bâtons rompus et il m’a dit : «Parlons, oublions le passé, l’avenir est plus important.»

Le président syrien Bachar al-Assad et le leader druze libanais Walid Joumblatt mercredi à Damas.

Sur quoi vous êtes-vous mis d’accord lors de cette rencontre ?

Respecter les constantes suivantes : protéger la résistance libanaise - c’est-à-dire le Hezbollah - contre toute possibilité d’agression israélienne, continuer à œuvrer pour la stabilité, la sécurité, le dialogue. Enfin, les Syriens sont prêts à délimiter les frontières entre nos deux pays en commençant par le Nord. Quant à la zone des fermes de Chebaa, étant donné que c’est un territoire occupé par Israël, il est impossible de tracer les frontières là-bas maintenant. Ce sera plus logique après la libération.

Concernant l’assassinat de votre père, Kamal Joumblatt, en 1977, que vous imputez aux Syriens, vous avez dit que vous aviez décidé de pardonner et d’oublier. Peut-on oublier l’assassinat d’un père ?

Je parle politique, géopolitique. Déjà, quand j’avais vu Hafez al-Assad en 1977 [à la fin de la période de deuil, ndlr], on avait scellé un pacte pour combattre les Israéliens et empêcher leur mainmise sur le Liban. Donc à l’époque, j’avais pardonné. Maintenant, j’ai oublié.

Votre leadership au sein de la communauté druze ne risque-t-il pas d’être affecté par votre repositionnement politique ?

Certaines décisions ne sont pas toujours populaires. Avec le temps, les druzes se rendront compte qu’en fin de compte, leur protection, c’est le hinterland syrien, avec la grande famille syrienne. C’est historique. Au Liban, nous sommes 200 000 druzes, on ne peut pas s’amuser à aller contre le courant.

Ces derniers mois, vous vous êtes sensiblement rapproché du Hezbollah. Est-ce que cela signifie que vous renoncez à demander le désarmement de ce parti ?

Depuis l’accord de Doha [en mai 2008], j’ai toujours affirmé que la question des armes du Hezbollah se posera au moment propice, c’est-à-dire quand les fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba seront libérées, que les violations de la souveraineté libanaise auront cessé et que l’armée libanaise disposera de l’équipement adéquat pour faire face à Israël. Lorsque les circonstances sécuritaires, politiques et régionales le permettront, il reviendra au Hezbollah, et à lui seul, de prendre la décision de s’intégrer graduellement dans le dispositif de défense de l’armée libanaise.

Vous parlez des accords de Doha, qui ont mis fin aux affrontements armés entre la majorité et l’opposition. Est-ce que les affrontements précédents, dont le Hezbollah est sorti vainqueur, sont à l’origine de votre repositionnement politique ?

Ils m’ont fait réaliser le fait que le pays était presque au bord de l’implosion et de la guerre sectaire. Oui, c’est vrai, c’était un choc, c’était une leçon et, en même temps, c’était une page que l’on a décidé de tourner pour ouvrir une nouvelle phase de dialogue. Seul le dialogue peut permettre de résoudre les problèmes interlibanais.

Des membres du Hezbollah ont été convoqués par le bureau du procureur du Tribunal spécial pour le Liban (TSL). Comment réagiriez-vous si le Hezbollah était accusé par le Tribunal d’être impliqué dans l’attentat contre Rafic Hariri ?

Nous voulons la justice et la stabilité. Nous ne voulons pas d’accusations politiques et je vous rappelle que ceux qui ont été convoqués l’ont été en tant que témoins, pas plus.

Une accusation visant le Hezbollah serait politique selon vous ?
Oui.

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